(3 juin 2025) - L’Université Laurentienne célèbre un moment de fierté depuis que Candace Brunette-Debassige, professeure adjointe à l’École des relations autochtones, et primo-auteure, a vu son ouvrage salué à l’échelle nationale.
Cet honneur fait à Mme Brunette-Debassige, une Crie Mushkego-Ininew, d’ascendance crie et de colon français, née et élevée à Cochrane (ON), n’est rien de moins que l’un des Prix du Canada 2025, décernés par la Fédération des sciences humaines (FSH). Son livre, qui s’intitule Tricky Grounds: Indigenous Women's Experiences in Canadian University Administration, a été élu meilleur livre d’érudition de l’année pour une nouvelle auteure, une distinction qui la classe parmi les cinq auteurs canadiens primés cette année.
Le prix a été remis le 3 juin 2025 lors de la 94e édition du Congrès, le plus grand rassemblement d’universitaires au Canada, qui se tient du 30 mai au 6 juin au Collège George-Brown, à Toronto. Cet événement, le tout premier Congrès à se tenir dans un collège, marque une étape historique, incitant les participants à explorer de nouvelles voies d’apprentissage interdisciplinaire et à jeter les ponts entre les collèges et les universités afin de favoriser un dialogue et une collaboration des plus fructueux. Le congrès de cette année réunit un public de plus de 7 000 personnes, constitué d’universitaires, d’étudiants, de décideurs politiques et de membres de collectivité au Canada.
Dans son livre pionnier et résolument personnel, Mme Brunette-Debassige ausculte le vécu souvent méconnu des femmes autochtones qui ont occupé des postes de direction dans le cadre des efforts engagés par les établissements d’enseignement postsecondaire canadiens dans une logique de réconciliation et d’autochtonie. S’appuyant sur ses recherches doctorales et antécédents professionnels en tant que cadre supérieur dans l’enseignement supérieur, elle rend compte des défis et du travail émotionnel profonds que représente la conduite d’un changement systémique au sein d’institutions coloniales, eurocentriques et à dominante masculine.
« Ce prix est une validation difficile à exprimer avec des mots, a indiqué Mme Brunette-Debassige. Quand on est autochtone, on se fait souvent dire, implicitement ou directement, que son expérience et sa réalité n’ont pas d’importance. La reconnaissance de cet ouvrage est donc très édifiante. Cela signifie que ces récits importent et, pour moi, c’est gratifiant, non seulement pour moi, mais aussi pour les femmes qui ont collaboré aux travaux de recherche. »
Tricky Grounds est né du cheminement professionnel de l’auteure et des témoignages de onze femmes autochtones cadres universitaires de haut niveau dans tout le pays. Au moyen d’une narration féministe décoloniale autochtone, le livre met à nu les réalités complexes auxquelles ces femmes se heurtent alors qu’elles s’efforcent de mettre en œuvre, au sein de structures peu préparées au changement, les engagements de politiques institutionnelles. Il met également en lumière comment ces dirigeantes ont su préserver leur pouvoir de décision et résister, souvent en travaillant dans l’isolement et sous l’immense pression qu’est le fait d’être « la première » ou « la seule » à occuper leur poste.
Dans le même ordre d’idées, Mme Brunette-Debassige évoque le rapport de 2015 de la Commission de vérité et réconciliation et précise en quoi celui-ci a marqué un tournant dans l’enseignement supérieur canadien. De nombreuses universités, désireuses d’y donner suite, ont en effet créé de nouveaux postes de direction à vocation autochtone, postes qui ont souvent été pourvus par des femmes autochtones, parfois sans soutien institutionnel adéquat et souvent sans le travail décolonisateur préparatoire nécessaire. Son livre, qu’elle qualifie de « conversationnel », rend hommage au courage et à la perspicacité des femmes qui lui ont fait partager leur témoignage. « Faire ce travail a été thérapeutique, a déclaré l’auteure. Beaucoup d’entre nous, femmes [autochtones] cadres de direction, ont eu à nous battre dans l’isolement, et le fait de se réunir pour parler ouvertement de nos réalités nous a fait grandir. J’ai reçu des lecteurs des réactions très positives et, même si je ne résous pas les problèmes évoqués, je pense qu’il [mon livre] apporte des éclairages sur les défis actuels qui peuvent se multiplier lorsque les universités ne prennent pas au sérieux les voix des peuples et des communautés autochtones. »
Mme Brunette-Debassige, qui s’est jointe à la Laurentienne plus tôt cette année, est membre du corps professoral des programmes de maîtrise en relations autochtones et de baccalauréat en travail social autochtone. Son expérience universitaire et administrative, dont des postes de direction à l’Université Western, notamment celui de directrice de l’éducation autochtone et de vice-rectrice intérimaire aux études, chargée des initiatives autochtones, compte près de vingt ans. Chercheuse, elle s’intéresse surtout aux approches autochtones et décolonisatrices de l’enseignement, son ambition profonde étant de faire progresser la théorisation comme les méthodologies autochtones de la recherche et les approches pédagogiques autochtones de l’enseignement et de l’apprentissage. Sa passion l’a vue également mettre en avant les approches du leadership autochtone en enseignement et les théories et pratiques de politique qui contribuent à transformer, dans une logique décolonisatrice, divers contextes éducatifs, en particulier ceux de l’enseignement supérieur.
Les Prix du Canada, que décerne chaque année la FSH, grâce au soutien résolu du Conseil de recherches en sciences humaines, consacrent des ouvrages canadiens d’érudition inspirants et féconds dans le domaine des sciences humaines et sociales. Les prix remis cette année mettent en évidence les œuvres qui enrichissent notre compréhension de ce que sont la communauté, la narration et la résistance, en mettant en lumière les luttes quotidiennes pour la justice, la reconnaissance et l’appartenance.
« L’ouvrage de Mme Brunette-Debassige est une grande contribution à la recherche universitaire et au travail de réconciliation en cours dans le monde de l’enseignement supérieur, a déclaré la vice-rectrice à la recherche de l’Université Laurentienne, Mme Tammy Eger, Ph.D. En tant que lauréate d’un prix du Canada, elle incarne un moment de fierté non seulement au sein de la Laurentienne, mais aussi au sein de tous les établissements qui s’efforcent de mieux refléter les voix, le leadership et le savoir autochtones. Nous sommes honorés qu’elle fasse partie de notre corps professoral, et son engagement au nom d’un changement transformateur nous motive profondément. »
À l’heure où la Laurentienne est engagée sur la voie de l’excellence autochtone dans la recherche et l’enseignement sous le signe de la réconciliation, la consécration de Mme Brunette-Debassige en dit long sur la force et l’importance des perspectives autochtones dans le modelage du tissu universitaire et social du Canada