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Reconstruire quelque chose qui a été brisé

aanji naakgonimon gaa-aanseg

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Dans les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVRC), il est indiqué que, « afin de remédier aux séquelles laissées par les pensionnats et de faire avancer le processus de réconciliation, 94 appels à l’action doivent être lancés aux personnes, aux organisations, aux collectivités locales et aux gouvernements ». Dans l’appel à l’action no 43, la Commission a demandé au gouvernement fédéral « d’adopter et de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones en faisant de celle-ci le cadre de la réconciliation ». Établissant un cadre universel des normes minimales nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples autochtones du monde, cette Déclaration en vient à préciser ce que constituent les normes actuelles en matière de droits de la personne et les libertés fondamentales des peuples autochtones.

Selon l’aînée Shirley Ida Williams (Ph.D.), il y a, en anishinaabemowin, deux mots ou expressions qui peuvent servir à éclairer les discussions dès lors qu’on veut parler de réconciliation :

aanji naakgonimon gaa-aanseg, qui signifie reconstruire quelque chose qui a été brisé.

aansewin, qui signifie l’art du changement, lequel reconnaît que le changement voulu par la réconciliation devra faire partie d’un effort habile et intentionnel.

En novembre 2019, l’Université Laurentienne a entamé un processus de reconstruction en mettant sur pied un Groupe de travail sur la vérité et la réconciliation afin de donner suite au rapport de la CVRC renfermant les 94 appels à l’action qu’elle a lancés aux Canadiens de tous les horizons.  

Constitué des représentants du corps professoral, du personnel, des étudiants, de l’administration, de la collectivité locale et des membres de la communauté autochtone de la région, réunis pour tracer une voie que pourra suivre la Laurentienne, le Groupe de travail a déterminé les actions prioritaires, puis dressé à l’intention de l’Université un rapport sommaire assorti de recommandations et d’orientations voulues pour amorcer le cheminement vers la réconciliation.

Les recommandations du Groupe de travail ont donné jour au Comité Dibendaagziwin (Nous appartenons à la terre), dirigé par des autochtones et soutenu par des alliés, dont la création a été annoncée à l’Université Laurentienne en 2022, sur les terres des Anishnaabe, à l’occasion de la Journée internationale de la Terre. Fort du soutien sans réserve de la Laurentienne et de son Équipe de direction, le Comité Dibendaagziwin, travaillant de concert avec les partenaires et les alliés de la communauté, mettra en œuvre la reconnaissance des terres par les enseignements sur la terre et l’eau, la restauration de celles-ci et le soin à leur égard. « Cette journée était tout à fait spéciale pour notre communauté, a déclaré la vice-rectrice associée à l’enseignement et aux programmes autochtones, Susan Manitowabi, Ph.D. Ces dernières années, nous avons entrepris un parcours, mais pour le peuple anishnaabe, cela n’a rien de nouveau. Nous sommes forts et résolus comme en témoigne cette annonce marquante, fruit du travail de l’Université Laurentienne en faveur de la réconciliation et de l’autodétermination sur les terres des Anishnaabe. »

Pour Susan, rester à l’écoute, aussi bien du Groupe de travail que de la communauté, est essentiel et c’est cela qui compte le plus pour l’Université, les étudiants et leur expérience. « Si vous ne travaillez pas avec la communauté, vous perdez votre cap, et souvent votre chemin. Quand vous êtes seul, vous êtes perdu et vous ne pouvez pas aller trop loin devant votre communauté. » La plupart des universités sont incitées à agir en dehors de leur communauté, de leur milieu, et en tirent la récompense. Dans le monde occidental, on est souvent fier d’être occupé et pressé et les décisions sont souvent prises sans consensus ni alignement sur les besoins de la collectivité locale que l’université est censée servir. « La Laurentienne quant à elle travaille de concert avec les aînés et les détenteurs du savoir, ajoute le coordonnateur de la vérité et de la réconciliation, Kevin Fitzmaurice (Ph.D.), en ayant adopté une approche communautaire à l’égard de ses initiatives. »

Cette stratégie, caractérisée par la collaboration avec les aînés et les détenteurs du savoir lors du développement des programmes et des cours et par une vision holistique et intégrée de la réconciliation, est la pierre angulaire des efforts entrepris pour créer un environnement favorable aux universitaires et aux étudiants autochtones. Dans le sillage de son mandat triculturel, la Laurentienne est fière de lancer cet été un nouveau programme d’études autochtones. Ce programme innovateur, axé sur le savoir et la pratique anishnaabes et la langue anishnaabemowin, propose des enseignements ancrés dans la terre des Anishnaabe, selon les quatre saisons en accord avec le modèle d’enseignement des quatre points cardinaux et du pôle central. Les cours porteront sur l’apprentissage oral, participatif et immersif des langues. « Pour que les établissements d’enseignement occidentaux puissent s’ouvrir à l’apprentissage autochtone et l’accueillir véritablement, indique Kevin, il faudra que les allochtones fassent preuve d’ouverture d’esprit et laissent de côté leur schéma personnel de pensée. La création d’espaces autochtones d’apprentissage respectueux dans le cadre universitaire est une voie importante vers la réconciliation. »

« Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres. L’humilité, la générosité et la réciprocité ne sont toutefois pas des valeurs communément associées aux établissements à structure hiérarchique, ajoute Susan qui estime que l’enseignement est un processus de découverte tant pour l’étudiant que l’enseignant. Ouvrir la salle de classe au plein air, apprendre par les sens auprès des aînés et des détenteurs du savoir au sein de communautés bienveillantes, voilà ce qu’est la cérémonie. Quand un établissement occidental met en place des espaces propices à la cérémonie, il s’agit là d’une étape marquante sur la voie. »

La Laurentienne, qui continuera de se frayer un chemin vers la réconciliation, donnera suite aux recommandations du Groupe de travail. « Le chemin vers la vérité et la réconciliation, indique Kevin, est loin d’être un débat critique ou une plaque commémorative. Il consiste en discussions de réciprocité et actions respectueuses qui favorisent l’autodétermination et le bien-être des peuples et des communautés autochtones. Ce chemin est celui qui invite la communauté universitaire à s’engager dans des conversations éprouvantes, à reconnaître les vérités qui dérangent et à se prêter main-forte à mesure que nous avançons dans la mise en œuvre des recommandations déterminantes. La réconciliation est un processus de longue haleine, mais nous commençons à prendre les mesures nécessaires pour nous y préparer au niveau institutionnel. »

Assumer les vérités pénibles sur les relations entre le Canada et les peuples autochtones et s’engager sur la voie de la réconciliation ne se feront pas d’un seul coup, puisque cette double évolution exige que l’Université s’emploie à établir et à renouveler des relations respectueuses, tout en donnant la preuve de cet engagement. Comme l’a souligné l’honorable juge Murray Sinclair, président de la CVRC, « l’éducation est la clé de la réconciliation. C’est l’éducation qui nous a mis dans ce pétrin, et c’est l’éducation qui nous en sortira. » « C’est par l’éducation que nous pouvons reconnaître les structures sous-jacentes d’exclusion qui font partie intégrante des politiques et pratiques institutionnelles actuelles, ajoute la directrice du Centre autochtone de partage et d’apprentissage, Mary Laur. C’est par l’éducation que nous transformerons nos milieux d’apprentissage en lieux de partage des connaissances, respectueux et authentiques, ancrés dans les principes du mino bimaadiziwin. »