En 2014, j’ai soumis une demande d’admission aux universités York, de Toronto et Laurentienne.
J’allais bien et étais confiant quand j’ai envoyé mes demandes. Mais quelques événements survenus alors ont modifié ma perspective, et quand le moment de prendre une décision est arrivé, j’ai eu trop peur de me lancer.
Étant originaire d’une petite communauté des Premières Nations du Nord (Première Nation de Wikwemikong), la perspective de vivre à Toronto m’effrayait non seulement à cause du coût de la vie, mais aussi de l’éloignement de ma culture et de mon réseau de soutien. Rester dans le Nord, à la Laurentienne à Sudbury, me convenait mieux, même si l’idée d’aller dans une grande ville ou de fréquenter une grande école me terrifiait. La peur m’a amené à rater des échéances. J’ai soumis ma demande à la Laurentienne un jour en retard, ce qui en rétrospective a probablement été une bonne chose. Je suis bien mieux préparé à être étudiant maintenant.
Entre 2014 et 2021, j’ai eu le temps de me découvrir. Mon travail d’animateur culturel dans le domaine des arts a renforcé ma confiance. J’ai exploré les arts, fait de la sculpture avec mes mains et du théâtre. Le théâtre m’a permis de voyager et d’apprécier pleinement la planète et les endroits que j’ai visités. Mon attachement aux espaces naturels a grandement influencé mon art et quand je visitais des villes sans espaces verts, je me sentais déconnecté.
Je me suis rendu compte de cela en regardant une vidéo sur l’incidence environnementale de certaines activités comme l’exploitation minière à Sudbury et le fort souhait public de revitaliser et restaurer la ville et ses espaces verts. Il y a longtemps, Sudbury était méconnaissable, un environnement horrible avec un écosystème endommagé.
Aujourd’hui, la ville se remet. Les bouleaux et l’herbe prospèrent, les espaces désignés sont respectés, et des activités visent à restaurer la communauté et à rétablir un solide sentiment d’appartenance. L’Université est propriétaire de près de 750 acres abritant des sentiers, une plage publique et une partie du dernier rivage non aménagé sur le lac Nepahwin. Cet écosystème fait partie de trois forêts interconnectées du territoire régi par le Traité Robinson-Huron et sur les terres ancestrales des Atikameksheng Anishnawbek.
Aujourd’hui, ce n’est plus un paysage dévasté et toxique. Nous sommes en train de rétablir notre lieu de vie et notre sentiment d’appartenance grâce à la Laurentienne qui joue un rôle important en misant sur les études et la mobilisation.
La prise de conscience de tout cela m’a permis d’aligner mon parcours avec la planète. Je me suis inscrit à quelques cours à l’Université et entrepris mon voyage dans le monde des sciences environnementales. La Laurentienne m’a aussi permis de renouer les liens avec ma culture. J’ai suivi un programme linguistique qui m’aidera à mieux communiquer avec les sages et les gardiens du savoir de ma communauté d’origine. Les jeunes doivent recevoir des informations de manière respectueuse de leurs aînés, mais il est également essentiel que nous partagions ce que nous avons appris et découvert. Ma langue me permet de vivre en conjuguant le respect et la réciprocité et ce qui m’importe en tant qu’étudiant et pour la restauration de ma culture.
Beaucoup de jeunes autochtones de ma réserve choisissent la Laurentienne parce qu’elle est à seulement deux heures de chez eux, et beaucoup ont des amis et de la famille et trouvent des possibilités à Sudbury. L’Université a des liens avec de nombreuses ressources de la ville, mais mon lieu favori est le Centre autochtone de partage et d’apprentissage (CAPA) sur le campus. C’est un endroit tranquille pour étudier et forger des liens, c’est un lieu communautaire où on se sent à l’aise. Je dis cela parce que les relations avec le CAPA me rappellent beaucoup de bons souvenirs, comme celui de ma grand-mère, une Annishanaabe traditionnelle. J’aimais les cérémonies avec elle et ai renoué avec ma culture quand je vivais avec elle. Elle est décédée durant mon adolescence. Une fois, alors que je passais une mauvaise journée sur le campus, je suis allé au CAPA où ils brûlaient de la sauge. L’odeur m’a immédiatement ramené à l’appartement et aux bons souvenirs. Ce jour-là, je me suis senti purifié, et chaque fois que la journée ne se passe pas bien, je vais au Centre et ils font toujours quelque chose pour me remonter le moral et me remettre à l’aise.
L’Université est un lieu sûr pour la population étudiante autochtone. Je ne sais pas si je devrais le dire, car cela risque d’être mal interprété, mais je vais en parler, car il s’agit des liens et de l’importance de se sentir chez soi. La nuit précédant mon premier jour à la Laurentienne, j’ai beaucoup rêvé et entendu la voix de ma première petite-amie. Fait étrange, je l’ai aussi entendue le lendemain. À mon arrivée sur le campus, j’ai entendu « Qu’est-ce que tu fais ici? ». Je me suis demandé si je rêvais encore. Mais lorsque je me suis retourné, je l’ai vue et j’ai compris qu’elle était aussi à la Laurentienne. Le Nord est une petite communauté où les gens se déplacent dans des cercles et c’est ce que cette anecdote me rappelle.
Je me spécialise peut-être en sciences environnementales, mais j’ai fait aussi d’autres découvertes inattendues et spéciales, comme le lundi du maïs soufflé, le mardi du lait frappé et le mercredi Wiisnik au CAPA. Le Centre offre également des plats végétaliens respectueux de la culture. Dans l’ensemble, l’Université Laurentienne est la meilleure option pour moi.
Endroit en plein air favori sur le campus : Un petit parc où on se réunit pour étudier, manger ou bavarder. Il y a beaucoup d’espaces en plein air pour communier avec la nature et établir des liens avec d’autres personnes, mais celui-ci est particulièrement accueillant.
Premières impressions de la Laurentienne : Ma première impression de la Laurentienne était qu’elle était très grande. Étant donné que j’ai fréquenté une petite école, la taille des édifices et du campus m’a impressionné et je me suis senti un peu perdu, mais cela est passé quand j’ai pris conscience de sa grande beauté. Je n’avais jamais imaginé qu’il y aurait autant d’espaces verts.
Le plus grand point à retenir : Le Centre autochtone de partage et d’apprentissage est un lieu spécial où la population étudiante autochtone et ses amis établissent des relations au cours d’expériences authentiques. Pour les autochtones, c’est un lien avec leur foyer et leur culture, et tout le monde devrait visiter les lieux et participer aux événements.