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Les plus vieux champignons connus : publication d’une chercheuse de l’Université Laurentienne dans la revue Nature

27 mai 2019 - Mme Elizabeth Turner, Ph.D., professeure de géologie à l’École des sciences de la Terre Harquail, est coauteure d’un article scientifique publié cette semaine dans la revue Nature

Même si la Terre date de 4,5 milliards d’années, son archive fossile typique, qui consiste de coquilles et d’os d’organismes marins, ne comprend que 10 % de son histoire (le Phanérozoïque); l’archive de la vie complexe sur la terre ferme est même plus courte. L’archive fossile la plus évidente, visible à l’œil nu, se compose d’organismes facilement compris qui représentent l’essentiel de la diversité biologique, suggérant qu’il doit y avoir une histoire plus ancienne pendant laquelle la majorité de la diversité de la vie s’est développée, évolutivement, sans laisser de traces évidentes. Généralement, on suppose que la vie, pendant le premier 90 % de l’histoire de la Terre (le Précambrien), comptait surtout des bactéries (procaryotes), alors que des organismes plus complexes au niveau cellulaire (eucaryotes) ont émergé pendant le Précambrien. L’étude de cette phase d’évolution « cachée » est un sujet brûlant dans la recherche géologique et paléobiologique.

Des spécimens d’un champignon microscopique fossilisé, appelé Ourasphaira giraldae, ont été extraits d’un schiste d’un milliard d’années situé dans la formation de Grassy Bay, dans les Territoires du Nord-Ouest du Canada, reculant ainsi l’âge du champignon le plus ancien connu dans l’archive de fossiles de cinq cents millions d’années. Ces fossiles ont des caractéristiques physiques fongiques typiques, ressemblant aux hyphes et spores fongiques modernes.

Les champignons sont des éléments essentiels des écosystèmes modernes en raison de leur rôle dans les cycles biologiques : en décomposant la matière organique, ils font en sorte que l’énergie et les substances nutritives peuvent être réutilisées. Dans l’histoire profonde de la Terre, ils pourraient avoir joué un rôle important dans la colonisation de la terre ferme et le succès ultérieur des plantes continentales. Malgré leur importance, l’archive fossile des champignons n’est pas très dense, car ils sont difficiles à préserver dans les roches.

L’existence de champignons il y a un milliard d’années a des incidences profondes.

  1. L’assemblage de microfossiles contenant le champignon (présenté dans des publications antérieures par les mêmes chercheurs) laisse entendre qu’il existait, il y a un milliard d’années, un écosystème complexe d’eucaryotes hétérogènes et microscopiques, incluant des organismes qui réalisaient une photosynthèse, consommaient les cellules photosynthétiques ou dégradaient la matière organique (champignons), et même des microorganismes prédateurs. Le biote de la Terre a donc compris des organismes complexes et divers beaucoup plus tôt que l’on ne l’avait supposé auparavant.
     
  2. Les champignons et les animaux sont liés génétiquement (composant le groupe biologique appelé « opisthochonte ») et ont un ancêtre commun. L’existence de champignons il y a un milliard d’années indique que la séparation des deux lignées a eu lieu plus tôt dans l’histoire. Une sorte de protoanimal devait avoir existé avant ce temps, beaucoup plus tôt que l’apparition des fossiles animaux les plus âgés (650 millions d’années), et bien plus tôt que l’émergence de fossiles typiques des animaux (Phanérozoïque).
     
  3. La formation de Grassy Bay conserve des sédiments déposés dans un environnement estuarien, un endroit à la surface où la terre et la mer se rencontrent. Il est possible que le champignon fossile soit d’origine terrestre et non marine, laissant entendre qu’il pourrait y avoir eu un genre d’écosystème simple sur la terre ferme il y a un milliard d’années.