31 janvier 2024 – Depuis la découverte de la pénicilline, la résistance aux antimicrobiens (RAM) constitue un problème qui persistera aussi longtemps qu’il y aura des infections nécessitant un traitement. Il s’agit d’un problème mondial qui entraîne 4,95 millions de décès par année selon l’Organisation mondiale de la santé. Qu’est-ce que la RAM et comment peut-elle être réglée?
La résistance aux antimicrobiens consiste en l’adaptation physiologique des micro-organismes à des agents qui seraient toxiques pour eux. Une bactérie qui rend les gens malades (appelée agent pathogène) apprend à résister aux effets médicinaux d’un médicament ou d’un antibiotique. La nouvelle variante de la bactérie se propage alors et le médicament n’a plus d’effet contre une infection.
« La RAM est un problème mondial, a affirmé Mazen Saleh, Ph.D., professeur agrégé dans l’École des sciences naturelles à l’Université Laurentienne. Normalement, quand une personne contracte une infection, on lui prescrit un antimicrobien particulier, couramment appelé un antibiotique, bien que les deux termes ne soient pas synonymes. Si ce microbe développe une résistance en mutant, on pourrait choisir de prescrire un autre antimicrobien pour traiter l’infection. Mais voilà le problème. La bactérie continue de muter contre un, deux, parfois trois antimicrobiens, ce qui les rend inutiles. Nous pouvons arriver à un point où un agent pathogène devient résistant à tous les antimicrobiens dont nous disposons. »
Les chercheurs le constatent déjà avec la tuberculose. Il existe des formes multirésistantes (MR) et ultrarésistantes (UR), dont il est question lorsque « l’agent pathogène résiste à divers antimicrobiens sans rapport de structure, y compris les antimicrobiens de première et de deuxième ligne, a expliqué M. Saleh. Dans cette situation, la principale préoccupation est que l’agent pathogène devienne résistant à tous les antimicrobiens dont nous disposons et que ces infections ne peuvent plus être traitées avec les médicaments traditionnels. »
Alors que les antimicrobiens chimiques comme les sulfamides et la pénicilline sont utilisés pour traiter les infections depuis la Seconde Guerre mondiale, les antimicrobiens non chimiques d’origine naturelle, appelés phages ou virus bactériens, et les peptides antimicrobiens (PAM) sont des traitements plus récents. Les phages et les peptides se comportent de la même manière que les antimicrobiens chimiques, car ils attaquent les bactéries, mais plutôt que d’être créés en laboratoire, ils sont abondants dans la nature et ciblent plus précisément l’agent pathogène.
« Les phages et les peptides peuvent être utiles dans les cas de multirésistance ou d’ultrarésistance aux médicaments, a ajouté M. Saleh. Étant donné la plus grande résistance aux antibiotiques à l’échelle mondiale, les peptides et les phages suscitent un regain d’intérêt de la part des chercheurs. Pourtant, les phages et peptides ont des désavantages et ne sont pas un remplacement idéal pour ce qui constitue actuellement le traitement le plus efficace contre les infections bactériennes : les antibiotiques. »
« Si nous n’agissons pas contre la résistance aux antimicrobiens, le résultat éventuel le plus urgent est la propagation d’agents pathogènes mortels. On ne peut pas exagérer le risque d’une résistance croissante aux antimicrobiens, a insisté M. Saleh. À ce moment-là, nous n’aurions pas d’autres options. Même si les bactéries deviennent généralement résistantes à chaque nouveau médicament que nous créons, nous pouvons ralentir la progression de la résistance. »
Cela peut se faire de quelques façons.
Selon M. Saleh, les patients et les médecins ont chacun une responsabilité lorsqu’il s’agit de prendre des antimicrobiens. « Les médecins doivent être prudents en prescrivant des antibiotiques pour s’assurer qu’une infection bactérienne est bien à l’origine de la maladie, a-t-il continué. De même, les patients ne doivent pas s’attendre à recevoir des antibiotiques pour régler n’importe quelle infection, tout particulièrement les infections virales bénignes qui causent le rhume et disparaissent d’elles-mêmes. » « Les patients doivent toujours suivre le traitement antibiotique qui leur est prescrit, a-t-il prévenu. Il ne faut pas arrêter de prendre le médicament lorsque les symptômes disparaissent ou après quelques jours. On doit suivre le traitement au complet. »
En outre, M. Saleh souligne que la manière dont on se débarrasse des antibiotiques restants est très importante. « Apportez les restes de médicaments à une pharmacie, a-t-il précisé. Des antibiotiques qui finissent dans l’environnement, dans les cours d’eau et les dépotoirs, peuvent favoriser la résistance. De même, si on les laisse dans une armoire, cela augmente le risque que quelqu’un les prenne plus tard pour se soigner ou traiter une maladie, ce qui contribue également à la résistance aux antimicrobiens au sein de la population. »
Alors que la saison du rhume et de la grippe bat son plein, M. Saleh indique qu’une prise en compte de ces précautions concernant l’utilisation d’antibiotiques aidera à soutenir les efforts mondiaux visant à ralentir la résistance aux antimicrobiens.